À l’instigation de Nick Lowe, l’editor* de l’actuelle série régulière consacrée au Doctor STRANGE, et faisant immédiatement suite à l’arc intitulé Last Days of Magic**, Robbie Thompson a concocté une série dérivée (spin-off) de celle d’Aaron & Bachalo : qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lue, réunissant plusieurs « sorciers suprêmes » - appellation chère à la Maison des Idées – qui respecte l’accroche, la tessiture et l’ambiance voulues par Lowe.

N’oublions pas que les maisons d’édition américaines fonctionnent encore beaucoup sous le régime du travail de commande (work for hire), où le rôle de l’équipe créative (scénariste, dessinateur, encreur, lettreur, coloriste) est de fournir ce que demande l’éditeur via leurs editors.

 

 

Ces derniers, qui contrôlent le travail & les agendas, mettent en relations scénariste et dessinateur, etc., veillent à la cohérence des histoires dont ils ont la charge (et toutes celles qui sont produites), apportent aussi des idées et une direction générale au scénariste.
Lequel n’est donc pas forcément à la base de ce qu’il écrit, pas plus qu’il ne décide forcément de la direction que prendra la série qu’il scénarise, et des aléas que rencontreront les personnages.

On peut d’ailleurs faire un parallèle entre le travail d’un editor aujourd'hui, et celui qu’effectuait Stan Lee – toujours crédité alors du poste de scénariste - avec des dessinateurs comme Kirby ou Ditko lorsqu’il utilisait la « méthode Marvel » dans les années 1960-1970.
Ces dessinateurs occupaient alors plus vraisemblablement un poste de scénariste/dessinateur, que celui de dessinateur.

 

 

Robbie Thompson, étoile montante en devenir de l’écurie des scénaristes de la Marvel, réutilise ici une formule élaborée dès les années 1960 pour l’éditeur par le célèbre duo Stan Lee & Jack Kirby.
À l’instar de l’équipe des Vengeurs d’alors, une menace d’envergure contraint plusieurs super-héros (ici ce sont des super-sorciers) à faire alliance, donnant ainsi naissance à une équipe inédite et accessoirement, (mais certainement pas par hasard), à une nouvelle série à suivre (ongoing) : Doctor Strange and the Sorcerers Supreme.

Celle-ci est composée :

• de Merlin, des légendes arthuriennes (du moins l'un d'entre eux)
• du Docteur Strange de la série ripolinée par Jason Aaron & Chris Bachalo
• de Sir Isaac Newton du S.H.I.E.L.D., un organisme inventé par Jonathan Hickman
• de son serviteur le Mindful One
• de Wiccan, des Jeunes Vengeurs, devenu le sorcier suprême de l’avenir de la Terre 616
• de Nina the Conjuror, une sorcière brésilienne dans le genre aventurière intrépide made in années 50
• de Kushala, une sorcière Apache ; les super-héros « Indiens » sont suffisamment rares dans les pages des comic books pour que cela me réjouisse. Elle est une incarnation de « l’Esprit de la Vengeance » des années 1800.
• et du « jeune » Ancien, qui deviendra le mentor de Stephen Strange.

 

 

Un patchwork de personnages connus, plus quelques nouvelles têtes – souvent féminines -, à la croisée de différentes chronologies de la « continuité*** » Marvel.

Chaque numéro est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les membres de cette nouvelle équipe (une formule qui a aussi déjà fait ses preuves) au fur et à mesure que se déroule l’aventure concoctée par Thompson, Javier Rodriguez, Alvaro Lopez & Jordie Bellaire. Plus le studio VC's Joe Caramagna au lettrage.
Puis par Nathan Stockman aux dessins, et Tamra Bonvilain aux couleurs (à partir du #5).

 

 

Si l’apport de Lowe et Thompson ne compte pas pour rien dans le plaisir que j’ai tiré des 5 premiers numéros de la série, il est clair que c’est d’abord le travail de l’équipe artistique qui m’a enchanté.
En introduisant de nouveaux personnages au design très réussi : Nina et surtout Kushala, et en utilisant une stylique déjà connue, mais que j’ai toujours beaucoup aimé, pour un autre nouveau venu : le Mindful One, le dessinateur Javier Rodriguez a immédiatement capté mon attention.
Ses planches, colorisées par Jordie Bellaire & encrées par Alvaro Lopez, ont achevé de me captiver.
Toujours très lisibles, elles ne s’interdisent ni les effets spectaculaires ni la variété d’un storytelling redoutablement efficace.
En effet, le scénario de Robbie Thompson s’est révélé bien plus prévisible que la météo, et son intérêt réside essentiellement – à mes yeux - dans le rôle qu’il va donner à chacun, et à la nature des obstacles qu’il va dresser dans la quête qu’il impose à son équipe de « sorciers suprêmes ».
Rien de répréhensible ni de désagréable non plus, mais pas grand-chose de nouveau sous le soleil de son imagination. Du moins pour l’instant.

 

 

Si la bédé étasunienne, de surcroît mainstream (autrement dit du courant dominant le marché id est : de super-héros) est le résultat d’un travail d’équipe, chaque lecteur est à même d’apprécier - à l’aune de sa propre idiosyncrasie - l’apport des différentes parties qui composent ce tout.

Et dans le cas des « Sorcerers Supreme », le pool artistique est celui qui fait – à mes yeux - toute la différence entre s’abonner à une série, ou pas.

 

________________________

* Editor est un poste qui se situe approximativement, entre celui de rédacteur en chef d’un quotidien et celui de directeur de collection d’une maison d’édition. Ce n’est pas ce qu’on appelle communément dans l’Hexagone, un « éditeur ».
En outre ce poste est à géométrie variable, à la fois dans le temps et selon les maisons d’édition et/ou la trempe de ceux qui occupent ces postes.

** L’arc complet intitulé Last Days of Magic comprend les numéros 6 à 10 de la série Doctor Strange et deux numéros spéciaux (tie-ins) qui accompagnent l’arc narratif en question :

- Doctor Strange: The Last Days of Magic #1
- Deadpool: The Last Days of Magic #1.

Le tout a été publié aux U.S.A. entre mars et juillet 2016.

*** La continuité ou principe de continuité, n’est pas comme pourrait le laisser entendre ce terme le respect d’une chronologie. Du moins pas seulement.
C’est aussi le respect d’une cohérence entre toutes les séries publiées par l’éditeur qui consent à en jouer le jeu. Ainsi chaque numéro produit par Marvel (et les péripéties qu’il contient) doit-il – c’est un impératif - pourvoir être lu de manière diachronique et synchronique. Hormis cas particulier(s).

 

Chronique extraite du blog d'Artemus Dada, Ici, je suis ailleurs.

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